9

February

2024

Pour chaque rôle, je me pose la question de qui est ce mec

Stefan Crepon

Interview— Louis Lepron

Photos— Arno Lam

Vidéo— Antoine Corcos

 

De Jonathan Cohen à Emmanuelle Bercot, de Denis Podalydès à Valérie Donzelli, Making Of est rempli d’acteurs et de cinéastes reconnus. Mais le film de Cédric Kahn donne aussi la part belle à un comédien qui n’a pas fini de nous surprendre, Stefan Crepon. À l’occasion de la sortie de ce long-métrage qui réussit subtilement à raconter les coulisses du septième art, on l’a rencontré pour parler passé, présent et futures envies.

 

Comment est-ce que tu es arrivé sur le projet de Making Of ?

Stefan: Je connaissais Cédric Kahn quand j’avais joué dans son film La Prière, dans lequel j’avais un petit rôle. C’était mon tout premier film. Cédric m’a rappelé quatre ans plus tard pour me demander de lire le scénario de Making Of.

 

Comment est-ce que tu as préparé ce film ?

Stefan: Il y a eu une lecture avec Cédric, Souheila Yacoub et le directeur de casting Antoine Carrard. Il n’y a pas eu beaucoup de répétitions en amont du tournage : Cédric aime beaucoup inventer sur le moment, c’est ça qui lui plait. Il a une idée très précise de ce qu’il veut, et en même temps il la remet toujours en question dès qu’on tourne. Il aime ce truc vivant et hyper instinctif. D’ailleurs, il avait appris par des potes que je travaillais mon rôle…

 

 

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Il t’as engueulé ?

Stefan: Pas engueulé mais il m’a dit un truc du genre : “Euh dis moi, travaille pas trop, t’es pas en train de faire un truc d’acteur studio” (rires)

 

D’habitude, tu fais comment pour préparer un rôle ?

Stefan: J’essaie de ne pas arriver en page blanche. De savoir qui est le personnage. À chaque rôle que je fais, je me pose la question de qui est ce mec, de savoir un peu d’où il vient. Pour Making Of, et ce personnage de Joseph qui rêve d’entrer dans le milieu du cinéma, je me suis demandé quel film il regarde, quelle musique il écoute, quelle exposition il irait voir. Après j’ai ma playlist “Joseph” sur mon téléphone. Quand je lis le scénario, je me dis que c’est comme un énorme puzzle et c’est à toi de rassembler toutes les pièces avec les indices qu’on te donne. Avec le scénario, t’as accès à 10% du personnage, mais avec les dialogues et certaines répliques, tu peux avoir accès aux 90% restants.

 

C’était pas étrange le tournage de Making Of, entre le film tourné dans le film et toi qui doit faire un making of du film tourné dans le film ?

Stefan: C’était fou. Moi je tournais aussi avec ma petite caméra. Des fois il y avait quatre caméras qui tournaient en même temps. C’était important pour Cédric de prêter attention au film qui était tourné dans le film, le film sur les ouvriers, il fallait qu’on ait presque envie de le voir.

 

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Il faisait comment pour gérer tout ça à la fois ?

Stefan: Tu pourrais croire que c’est chaotique dans sa tête, mais pas du tout, il arrive toujours à gérer le truc, et tout s’imbrique bien. 
 

C’est quoi le tournage auquel tu as participé où il t’es arrivé quelque chose d’incroyable et que tu t’es dit : “Mais qu’est-ce que je fous là” ?

Stefan: C'était sur Le Bureau des légendes. On tournait à Moscou, dans le métro, ce qui me paraît aujourd’hui complètement lunaire au regard du régime qui y est en place. On n’avait aucune autorisation de tournage, avec 50 figurants et 20 techniciens. Des policiers débarquaient dans le métro quand il arrivait à quai : ils rentraient dans la rame et d’un coup tout le monde sortait. Pendant ce temps, on installait tout notre bazar et on avait trois stations pour filmer et en ressortir. Je ne sais pas comment ils ont négocié avec les policiers, mais on a réussi à faire ces allers-retours sur trois stations en 1h30. Sur cette scène, je devais sortir du métro, et le réalisateur Éric Rochant voulait que je sorte au tout dernier moment. À la différence de la France, il n’y a pas de signal sonore dans le métro de Moscou. À chaque fois, je sortais trop tôt. Et à un moment, ce qui devait arriver arriva.

 

Tu t’es pris la porte ?

Stefan: Non, mais en sortant, la porte a coincé ma cheville. J’étais bloqué. Et comme le métro commençait à partir, les techniciens se sont jetés sur moi pour ouvrir la porte. Ça aurait pu être beaucoup plus relou. Là, tu peux perdre une cheville, un pied.

 

Quand il y a parfois beaucoup de moyens de production, est-ce c’est dur de réussir à être dans l’émotion, d’être en phase avec le scénario ?

Stefan: Tu gardes toujours le truc de fascination de gosse. Même quand t’as autant de monde autour de toi, tu retrouves ce syndrome de quand tu étais petit, quand tu jouais aux cow-boy et aux Indiens. Tu te poses plus la question. J’ai tourné récemment sur fonds vert, j’avais un peu peur en amont, mais ça revient très vite en fait.

 

 

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Et le tournage de Making Of, c’était fun ?

Stefan: Ça partait dans tous les sens. Beaucoup de gens sont tombés malades par exemple. La moitié de l’équipe qui était sous Covid et d’autres avaient une grippe ou une angine blanche. Les 3 premières semaines, on tournait dans l'usine, le matin on arrivait, on ne savait pas ce qu’on allait tourner.

 

Au cours de ta carrière, c’est quoi le meilleur conseil qu’on a pu te donner ?

Stefan : Quand je faisais Le Bureau des légendes, à trois jours d’intervalle, j’ai eu deux conseils diamétralement opposés. C’était dans un premier temps Mathieu Amalric, qui me dit : “On est dans les deux petits nouveaux de la série, t’es stressé ?”. Je lui dis que oui et là il me répond : “Ah mais tu sais quoi, c’est bien d’être stressé, le jour où tu seras plus stressé, tu feras que de la merde”. Trois jours plus tard, Mathieu Kassovitz me demande si je suis stressé et je lui réponds que oui. Il me dit alors : “Stresser c’est de la merde. Tu vas pas être libre, faut pas être stressé dans ce métier”. Je me suis demandé ce que je devais faire (rires).  Et en fait ce que j’ai compris de ça, c’est que chacun a sa méthode.

 

Quels sont tes prochains projets ?

Stefan : Drone de Simon Bouisson et ensuite j’ai enchaîné avec À la hauteur de Delphine Muriel Coulin, avec Benjamin Voisin et Vincent Lindon. C’était super.

 

Pour finir, c’est quoi ton morceau ou artiste du moment ?

Stefan: Ce serait “Manifeste” de Guizmo. C’est un morceau de ouf qui dure 9 minutes.

 

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Ton film du moment ?

Stefan: Le dernier film qui m’a marqué c’est un long-métrage d’Alan Parker (Midnight Express), et ça s’appelle Mississippi Burning, avec Gene Hackman et Willem Dafoe. Ce film parle de la ségrégation aux USA. C’est un film de malade mental, c’est une masterclass.

 

Et enfin ton livre de chevet ?

Stefan: J’ai lu un bouquin pendant un voyage, et c’est Ô vous, frères humains d’Albert Cohen. C’est un très beau livre.

 


 

 

Credits :

Stylisme — Marie Cheiakh @siwarcheiakh
Maquillage — Elodie Barrat @elodiebarrat_makeup
Coiffure — Julie bennadji @juliebennadji

 

 

 

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